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Reconstruire une « cité métisse ». Migrations européennes, économie touristique et impasses de la valorisation culturelle du patrimoine saint-louisien (Sénégal).
Abstract
A contre-courant des recherches qui analysent les mobilités internationales liées à l’Afrique à partir de flux sud-nord et sud-sud, cet article s’intéresse à une migration particulière de l’Europe vers le Sénégal, plus spécifiquement vers la ville de Saint-Louis, dont l’île historique est classée au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2000. L’étude s’inscrit au croisement des analyses socio-anthropologiques de la valorisation culturelle et touristique des sites urbains devenus patrimoines mondiaux en Afrique et des mobilités de privilège vers des régions post-touristiques au « Sud ». Plusieurs activités entrepreneuriales, menées par des migrants européens aux trajectoires variées, s’inscrivent dans des dynamiques socio-économiques et culturelles communes valorisant une représentation du patrimoine de Saint-Louis en tant qu’héritage euro-africain, notamment franco-sénégalais. Cependant, ce « métissage » historique et culturel, qui sous-tend l’idée d’un vivre-ensemble par-delà les frontières sociales en faveur d’un développement local, induit paradoxalement des divergences professionnelles, des clivages sociaux et des différenciations ethnoraciales. Cette promotion particulière du patrimoine de Saint-Louis oriente et sélectionne également les flux de visiteurs, contribuant à un dynamisme économique restreint. La rhétorique du tourisme culturel est ainsi mise à l’épreuve de réalités et pratiques sociales qui contredisent ses objectifs initiaux. Elle produit des modes et logiques de distinction et révèle un patrimoine en tension, dans un contexte économique urbain qui accentue les asymétries sociales racialisées.
Mots clés : tourisme ; patrimoine mondial ; migrations Nord-Sud ; Saint-Louis ; Sénégal.