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L’exploitation des eaux souterraines dans le Saiss : la course que certains abandonnent
Abstract
Au Maghreb, la mobilisation des eaux souterraines a permis le développement rapide de filières agricoles basées sur des systèmes de production très intensifs en capital. Ces transitions rapides ont entraîné dans bien des situations une surexploitation des eaux souterraines. L’objectif de l’article est d’analyser comment une telle surexploitation affecte et est affectée par la différenciation socioéconomique entre exploitations agricoles dans la plaine du Saiss. Cette analyse permet de comprendre les tensions entre les politiques publiques de gestion de l’eau et les politiques agricoles. Un suivi des irrigations et des enquêtes technico-économiques ont été réalisés sur les terres de la réforme agraire dans une petite zone du Saiss au Maroc, où l’on observe un boom du maraîchage et de l’arboriculture. Nos résultats montrent des inégalités importantes et croissantes entre les différents types d’agriculteurs. Alors que de nouveaux acteurs agricoles, investisseurs urbains et locataires, tirent leur épingle du jeu grâce à l’utilisation intensive du capital financier et des subventions de l’État, les agriculteurs des petites exploitations familiales sont fortement affectés par la baisse des nappes. Leurs stratégies d’adaptation sont soit de revenir aux systèmes de production pluviaux comprenant de l’élevage, soit de maintenir une surface en cultures irriguées moyennant des pratiques entrepreneuriales comme l’association avec des partenaires apportant des capitaux. Enfin, certains doivent quitter le secteur agricole pour céder la place aux mieux nantis après avoir vendu leurs terres, malgré leur lutte depuis des décennies pour en obtenir un droit de propriété. La surexploitation des nappes entraîne l’exclusion des agriculteurs les plus démunis et témoigne des limites des politiques publiques à lutter contre la pauvreté en milieu rural, mais aussi à réguler les prélèvements en eau.