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Construction sociale du corps de l’accouchée chez les Ébrié : une dynamique entre traditionalisme et modernisme
Abstract
En Côte d’Ivoire, les sociétés traditionalistes Akan lagunaire croient que l’engraissement pendant trois mois assure la beauté et la santé aux femmes venant d’accoucher. La présente étude a été entreprise chez les Ébrié, où se pratique le rituel des accouchées, désignées sous le vocable de tambruya. L’objectif de cette étude a été d’appréhender les normes culturelles et sociales de l’embonpoint construites par les habitants de villages périphériques d’Abidjan. Les données ont été collectées en administrant 39 entretiens semistructurés auprès des tambruya et de leurs conjoints, des femmes d’expérience, des mères nourrices non Ébrié, des femmes âgées, des agents de santé et des notables. Ces données ont été analysées en utilisant les thèmes incluant la forme du corps, l’engraissement, l’embonpoint, la beauté corporelle et le corps en santé. Les résultats ont montré que le modèle corporel de la tambruya est originellement l’embonpoint, avec parfois des pliures aux côtes ou encore la forme awoulaba qu’elle est censée avoir pour être vue comme belle. Considérée comme une référence aux valeurs morales et sociales qui sous-tendent toutes les sociétés dites primitives, cette forme est associée avant tout à un corps bien soigné et bien nourri conformément aux exigences coutumières. Mais même si cette perception absolue des valeurs ethno-culturelles de l’embonpoint met la mère nourrice à l’abri des craintes de rejet de la part de sa communauté, force est de reconnaître qu’elle ne lui épargne pas les regards stigmatisants émanant de l’environnement urbain multiculturel et pluridimensionnel à Abidjan. Ainsi, de plus en plus, le corps de la tambruya tend à être socialement construit en conformité avec un modèle de minceur appelé forme moyenne. En conclusion, la construction sociale du corps de l’accouchée impliquée dans une dynamique sociale et alimentaire de traditionalisme et de modernisme, semble émerger pour concilier identité culturelle et identité personnelle.
Mots-clés : Tambruya, embonpoint, modernité, dynamique sociale et alimentaire
In Ivory Coast, the Akan lagoon traditional societies believe that a threemonth fattening ensures beauty and health to women who have just given birth. The present study was undertaken in Ébrié, where giving birth rituals, known as “tambruya”, are practiced. The objective of this study is to grasp the cultural and social norms of being overweight with the inhabitants of outlying villages of Abidjan. The data was collected by administering 39 semi-structured interviews with the Tambruyas and their spouses, experienced women, non-Ébrié nursing mothers, elderly women, health workers and notables. The data was analysed using themes including body shape, fattening, overweight, body beauty, and healthy body. The results showed that the tambruya body model is originally overweight, sometimes with creases to the ribs or the awoulaba form that she is to have to be seen as beautiful. Considered as a reference to the moral and social values that underlie in all so-called primitive societies, this form is associated above all with a well-cared for and well-nourished body as per customary requirements. But even if this absolute perception of ethno-cultural values of being overweight protects the nursing mother from the fears of rejection from her community, she has to admit that it does not spare her the stigmatizing glances in the multicultural and multi-dimensional urban environment in Abidjan. Thus, more and more, the body of the tambruya tends to be socially constructed to conform with a model of thinness called medium form. In conclusion, the social construction of the body of women who just gave birth, involved in a social and food dynamic of traditionalism and modernism, seems to emerge to reconcile cultural identity and personal identity.
Keywords: Tambruya, overweight, modernity, social and nutritional dynamics